Assurance-vie : le retour en grâce des fonds en euros
Après avoir accompagné pendant plusieurs années la décollecte sur les fonds en euros, les assureurs essaient désormais d'inciter les épargnants à investir sur ces supports garantis stars de l'assurance-vie. Quelles sont les assurances-vie concernées ? Quelles sont les conditions à respecter ?
Après avoir accompagné pendant plusieurs années la décollecte sur les fonds en euros, les assureurs essaient désormais d'inciter les épargnants à investir sur ces supports garantis stars de l'assurance-vie. Quelles sont les assurances-vie concernées ? Quelles sont les conditions à respecter ?
Bonne nouvelle pour les épargnants. Longtemps délaissés, les fonds en euros retrouvent un certain lustre. « C'est une véritable inflexion de pratique », estime Stellane Cohen, présidente du courtier d'assurances-vie en ligne Altaprofits. « On assiste à un changement de paradigme », note également Gilles Belloir, directeur général de Placement-direct. Tous deux décrivent en ces termes la bascule qu'ils observent sur les fonds en euros de l'assurance-vie, à savoir le retour du taux garanti.
Ces dernières semaines, plusieurs assureurs ont en effet donné des garanties sur leur politique de rémunération de leurs fonds en euros en 2023, voire en 2024. Si les rendements bonifiés du fonds en euros n'ont jamais vraiment pris fin, la nouveauté réside dans le fait que ces taux boostés étaient dernièrement communiqués ex-post. C'est-à-dire au moment de l'annonce du rendement du fonds euros au titre de l'année écoulée. « La grande différence est que depuis 2023 des assureurs annoncent des bonifications de taux à l'avance », remarque Gilles Belloir. Ce qui permet aux particuliers, dans un contexte d'inflation toujous élevée, d'accéder à un placement au rendement attrayant et dont le capital est garanti.
Taux boosté garanti
Quelles sont les assurances-vie concernées ? Les épargnants peuvent se tourner vers SwissLife qui a fait partie des premiers à mentionner un taux minimum garanti. Fin janvier dernier, il communiquait sur un minimum de 2,25 % nets de frais de gestion pour 2023, contre une rémunération pour 2022 allant de 1,50 % à 3,05 %. Mais pour prétendre à cette rémunération, des conditions sont à respecter. Les souscripteurs doivent satisfaire quelques contraintes. « Nous restons encore dans une logique le plus souvent conditionnelle, nuance Gilles Belloir. Nous ne voyons pas encore le retour des taux garantis quelle que soit la situation du contrat ».
Concrètement, les 2,25 % communiqués par SwissLife ne concernent que les nouveaux versements effectués durant l'année 2023. Et ce taux minimal ne s'obtient qu'à condition que cette épargne nouvelle soit fléchée pour au moins 60 % vers des unités de compte (UC). A la différence des fonds en euros, les UC n'intègrent pas nécessairement de garantie en capital. Sans cette couverture, elles offrent de fait un potentiel de rendement souvent meilleur.
Depuis cette annonce, les courtiers en ligne sollicités, qui distribuent des contrats assurés par SwissLife, ont été informés d'une offre commerciale parallèle, sans contrainte d'investissement en UC. Ainsi, jusqu'à fin juin, les nouveaux versements sur le fonds en euros vont bénéficier d'une bonification de rendement de 1,40 % pour 2023 par rapport au taux de base qui sera servi.
« Si on suppose que ce taux de base reste inchangé - il était de 1,70 % chez nous en 2022 - cela ferait du 3,10 % », illustre le porte-parole de Placement-direct. Ce taux s'entend net de frais de gestion mais brut de fiscalité et de prélèvements sociaux. Pour bénéficier de cette bonification, qui ne s'appliquera que sur les nouveaux versements, par sur l'encours déjà placé, le client doit rester investi sur le fonds en euros au moins toute l'année 2023.
Les particuliers désireux de souscrire un contrat en euros au rendement dopé peuvent aussi s'intéresser à Generali, qui propose une offre commerciale proche. L'assureur s'engage à augmenter de 1 point en 2023 et en 2024 le rendement des versements effectués avant mi-mai sur Netissima. Ce fonds en euros est un best-seller de l'assurance-vie en ligne. Mais la contrainte de Generali d'allouer aux UC au moins 50 % du capital nouvellement investi est en vigueur.
En parallèle de cette mise en avant du fonds en euros, les assureurs veulent donc continuer à acculturer les Français aux supports non garantis. 40 % des cotisations nouvelles sont investies en unités de compte, d'après l'association professionnelle France Assureurs. Néanmoins, « certains assureurs prévoyant habituellement un minimum d'UC nous disent accepter du 100 % fonds en euros », nuance Stellane Cohen d'Altaprofits.
Chez Cardif, la bascule est assumée. « Depuis fin 2022, nous avons assoupli l'accès au fonds en euros, alors qu'il y a eu certaines restrictions dans le passé. Nous n'imposons plus un pourcentage minimum d'UC, depuis qu'il est confirmé que la hausse des taux d'intérêt sera durable », souligne la communication de la filiale assurantielle de BNP Paribas. Elle indique également avoir augmenté les bonus de rémunération du fonds en euros et abaissé le seuil d'UC nécessaire pour y avoir accès. « Auparavant, les clients de la banque de détail et de la banque privée de BNP Paribas en France pouvaient déjà y souscrire, sans contrepartie en UC, jusqu'à 500.000 euros », précise Cardif.
Concurrence du Livret A
A l'origine de ces nouvelles bonifications, se trouve le besoin d'attirer de l'épargne nouvelle sur les fonds en euros. « C'est vital pour les assureurs de collecter sur les fonds en euros. Ils ont besoin d'une collecte nette positive pour acheter des obligations aux taux d'intérêt plus élevés », poursuit la porte-parole de ce courtier en ligne.
Les fonds en euros sont actuellement composés en masse d'obligations souveraines et d'entreprises aux coupons peu rémunérateurs, héritées du moment où les taux d'intérêt étaient très bas. Avec leur remontée en 2022, les nouvelles obligations offrent de meilleurs rendements, plus en phase avec le contexte monétaire et le retour de l'inflation. Pour illustration, le taux des OAT 10 ans - le titre financier phare de l'Etat français pour emprunter sur les marchés - atteignait fin mars près de 2,8 %, contre 0,2 % début 2022.
Les assureurs doivent donc renouer avec une collecte nette positive sur le fonds euros s'ils veulent obtenir de meilleurs rendements sur leurs fonds en euros. En 2022, les fonds en euros ont perdu plus de 20 milliards d'euros d'encours d'après France Assureurs.
Cet objectif n'est pas si facile à atteindre. Car le fonds en euros est désormais concurrencé par d'autres supports d'épargne sans risque, dont le Livret A et ses 3 % nets de fiscalité. Dans le cas des livrets réglementés, cette concurrence avec l'assurance-vie est partielle car leurs encours sont plafonnés. Ce n'est en revanche pas la norme s'agissant des comptes à terme (CAT) qui reviennent sur le devant de la scène. Récemment, une banque a par exemple lancé un CAT à 3 % sur 12 mois .
« Même faiblement rémunérés, les fonds en euros restaient jusqu'à peu mieux disant que les instruments liquides du type comptes sur livret et comptes à terme. Mais depuis quelques semaines, les offensives des banques poussent les assureurs à affûter leurs armes pour rester dans la course », résume Gilles Belloir.
Des fonds en euros de nouveau rentables pour les assureurs
La hausse des rendements obligataires est de nature à augmenter le taux des fonds euros. C'est une bonne nouvelle pour les épargnants mais aussi pour les assureurs qui gèrent ces fonds.
Le code des assurances oblige les assureurs à distribuer au moins 85 % des bénéfices générés aux épargnants. « Si les actifs financiers génèrent un taux de rendement de 2 %, il reste aux compagnies 15 % x 2 %, soit 0,30 % de rentabilité dégagée. Mais si le rendement des obligations passe à 5 %, cette rentabilité passe à 0,75 % », schématise Gilles Belloir, directeur général de Placement-direct.
Donc, avec la hausse des taux obligataires, le gâteau à se partager entre assureurs et assurés est plus important. A taux de redistribution du bénéfice inchangé, chacun reçoit une part plus grande.
Par Marie-Eve Frénay – Les Echos - Publié le 5 avr. 2023 à 07:30Mis à jour le 5 avr. 2023 à 07:31