L’impact de la crise ukrainienne sur le changement climatique
Par David Page, Head of Macro Research et Olivier Eugène, Head of Climate Research, AXA Investment Manager
Par David Page, Head of Macro Research et Olivier Eugène, Head of Climate Research, AXA Investment Manager
Nul doute que de multiples facteurs ont conduit la Russie à prendre la décision d'envahir l'Ukraine. L'un d'eux a probablement été la conviction selon laquelle la dépendance de l'Europe à l'égard des combustibles fossiles russes, et notamment du gaz, limiterait la rigueur des sanctions imposées par l'Occident. Un tel jugement a dû tenir compte de la faiblesse des stocks de gaz européens, des fortes pressions inflationnistes et du fait que le plan d'action européen pour le climat « Fit for 55 » prévoyait une diminution progressive des importations de gaz au cours des dix prochaines années dans le but de réduire, d'ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % par rapport aux niveaux de 1990. Cette analyse a dû laisser entrevoir un certain effet de levier pour la Russie en matière d'approvisionnement en gaz, lequel risquait néanmoins de s'estomper avec le temps.
Ce calcul se révèle aujourd'hui erroné. Les sanctions à l'encontre de la Russie ont été plus lourdes, plus étendues et plus consensuelles que ce à quoi beaucoup s'attendaient. En outre, l'inévitable hausse des prix de l'énergie, et notamment du gaz naturel européen, a eu pour conséquence la proposition, par la Commission européenne, d'un redéploiement encore plus rapide des importations de gaz afin de réduire la dépendance de l'Europe vis-à-vis de l'approvisionnement russe. L'Europe, qui a déjà exclu le charbon russe, va désormais imposer un embargo sur les importations de pétrole, voire de gaz russe.
Dans cet article, nous examinons les plans de l'Europe visant à réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe. Nous calculons l'impact probable, sur les émissions de GES (Gaz à effet de serre) de l'UE, d'un arrêt de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe, lequel nécessiterait de recourir à des combustibles de substitution plus polluants pour combler temporairement le déficit en termes de capacité de production d’électricité. Toutefois, à moyen terme, la transition accélérée vers une production à partir de combustibles non fossiles entraînerait probablement une diminution plus rapide des émissions. Nous procédons ensuite à une évaluation critique de la vraisemblance de ces hypothèses. La figure 1 présente nos estimations de l'impact des nouveaux plans de l'UE sur les émissions de GES, ainsi qu'une fourchette indicative de l'évolution probable des émissions.