Par Sylvie Bergeron – Les Echos - Publié le 25 avr. 2022 à 10:00Mis à jour le 25 avr. 2022 à 10:40
Utiliser l'investissement responsable pour contribuer à briser le plafond de verre : c'est le pari du « label ISR » crée par l'Etat en 2016, qui regroupe près de 750 fonds. Sur l'année 2021, leur nombre a augmenté de 13% pour une collecte cumulée de plus de 81 milliards et un encours supérieur à 693 milliards d'euros. Dans la gestion collective, les analystes prédisent que le marché des fonds ESG va connaître une croître de 20 000 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années.
Le « label ESG » (pour environnement, social, gouvernance), applique des critères d'évaluation non- financiers, comme le bien-être des salariés dans l'entreprise ou la bonne gouvernance à la gestion d'actifs. S'il n'y a pas de catégorie précise dans les fonds ESG concernant la place faite aux femmes, celle-ci se retrouve surtout sous les volets sociaux et gouvernance.
La part des femmes dans les Comex
Le « S » des fonds signale la priorité donnée aux entreprises qui obtiennent de bons résultats dans l'aide apportée aux femmes afin qu'elles accèdent à des emplois de qualité à travers le développement de leurs compétences. Parmi les sujets scrutés : le nombre d'employées dans les effectifs globaux et la part des femmes dans les comités exécutifs, l'offre de formation, les aménagements sur le lieu de travail, les politiques anti-harcèlement sexuel, etc.
L'analyse se fait par exemple selon qu'une entreprise s'engage en faveur de leur avancement à des postes de direction, obtient de bons résultats en matière d'équité salariale, ou offre de généreux régimes de congés. Des indicateurs évaluent les trajectoires sur la durée et la progression des femmes dans la hiérarchie ou les politiques d'aides à l'entrepreneuriat au féminin.
Le « G » de l'ESG pour « gouvernance » vise les efforts d'une entreprise pour améliorer la féminisation des conseils d'administration. Les fonds donnent la priorité aux entreprises ayant une représentation plus élevée de femmes au sein du conseil.
Selon le dernier sondage Ifop pour le Forum pour l'Investissement Responsable (FIR) (septembre 2021), en termes de motivation à l'investissement responsable, l'égalité femme-homme arrive en quatrième position, après les pollutions, les droits humains, et l'emploi. « Le placement responsable est de plus en plus souvent présent dans l'épargne salariale, le contrat assurance-vie ou les produits de retraite », affirme Grégoire Couté, délégué général secrétaire du Forum pour l'investissement responsable (FIR).
Ecart salarial
Le dernier rapport mondial annuel Equileap, sur l'égalité femmes-hommes, met en évidence que même si la majorité des entreprises ont adopté des politiques anti-harcèlement, aucune n'a véritablement gommé l'écart salarial entre les hommes et les femmes à tous les niveaux. Côté création d'entreprise, le bilan n'est pas meilleur. Le baromètre PitchBook-Morningstar fait état que moins de 2 % du capital total investi dans des start-ups soutenues par du capital-risque en Europe sont allés à des entreprises fondées uniquement par des femmes en 2021.
Sur les 418 multinationales, réparties dans 45 pays, interrogées par Bloomberg, pour son index Gender-Equality Index (GEI), seules 31 ont une femme à leur tête, ce qui équivaut à 7,5 % ‘ente elles. A l'embauche, les femmes représentent 50 % des recrutements, ce taux baisse à 38 % pour les cadres supérieures et 23% seulement atteignent des postes de direction (Janvier 2022). Ces chiffrent révèlent que la proportion de femmes chute de façon spectaculaire à mesure qu'on grimpe dans la hiérarchie.
Une parité sur les conseils d'administration en … 2042
En Europe les femmes représentent que 30, 6 % des administrateurs et seuls 8,5 % dirigeaient le conseil d'administration, en octobre 2021, selon les chiffres publiés par le Conseil Européen. A ce rythme-là, l'étude de MSCI (Women on Boards), dont l'index MSCI ACWI regroupe 2900 entreprises de 50 pays, affirme qu'il faudra attendre jusque 2042 avant de connaître une parité sur les conseils. D'autant que les recherches académiques ont révélé que ce sont souvent les mêmes femmes qui siègent sur plusieurs conseils d'administration.
La France, depuis la loi Copé-Zimmermann exigeant au moins 40 % de femmes dans les conseils, fait figure de bonne élève : dans l'indice SBF120, les entreprises les femmes y occupent 45,8 % des sièges en 2021 contre seulement 12,5 % en 2010 (avant l'entrée en vigueur de la loi). Mais dans les comités exécutifs français, le déséquilibre demeure : la proportion des femmes chute à 22 % des membres des comités exécutifs des sociétés incluses. Ce qui devrait changer avec la loi Rixain de décembre 2021.
« Les entreprises doivent être mises au défi d'évaluer leurs processus de gestion des talents afin de s'assurer que les femmes à haut potentiel soient identifiées tôt pour passer la porte des comités exécutifs et de directions », souligne Michel Ferrary, membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), et professeur à l'université de Genève.
Retard du volet social
« Par rapport à l'environnement ou à la gouvernance, le volet social, est celui sur lequel il y a le plus de retard », souligne Michel Ferrary. Au-delà du genre ou de la diversité, les questions sociales considérées avec l'investissement ESG sont vastes, nombreuses, et continuent de changer et d'évoluer. Investir dans un fonds ESG signifie aussi investir dans les droits de l'homme, et / ou problèmes de main-d'oeuvre, la santé, les problèmes communautaires et ou les zones de conflit.
Les entreprises sont jugées ou perçues comme bonnes ou mauvaises en fonction de leurs actions et les notations sont données par le biais d'organisations telles que le Pacte mondial des Nations Unies et le Global Initiative de rapport.
« Si l'investissement ESG est un marché en pleine expansion, la labélisation n'est pas très fiable », regrette Michel Ferrary. Pour être labellisés les fonds doivent démontrer que les lignes de leur portefeuille affichent un engagement ESG supérieur à celui de leur univers indiciel de référence (le « benchmark »).
La notation s'appuie essentiellement sur les données fournies ou publiées par l'entreprise. Si l'on veut aligner son portefeuille avec ses valeurs, il ne faut donc pas hésiter à soulever le capot pour se renseigner sur la stratégie de celles qui y figurent.