Placements : la finance de demain sera responsable

Par Camille Prigent, Les Echos - Publié le 4 oct. 2021 à 08:00Mis à jour le 8 oct. 2021 à 09:31

D'abord considéré comme une mode, puis un marché alternatif, l'investissement socialement responsable (ISR) pèse désormais 2.000 milliards d'euros en Europe, soit un quart de l'actif total des fonds distribués sur le Vieux Continent. Selon l'Observatoire Quantalys de la gestion ISR réalisé avec NN Investment Partners, l'encours des fonds durables a augmenté de 65 % sur le premier semestre 2021 : ils ont collecté 119 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année, contre 90 milliards d'euros pour les fonds non ISR. « L'accélération récente en faveur des fonds ISR n'est pas un effet de mode mais une vraie lame de fond », affirmait Jean-Paul Raymond, directeur de la recherche de Quantalys, lors de la publication de l'Observatoire.

Toutes les catégories d'investissement sont concernées par cette tendance, mais celle-ci est particulièrement forte sur les actions : les fonds ISR actions pèsent aujourd'hui 53 % de la gestion ISR en Europe, contre 31 % en 2011. Toutes les catégories d'actions comme d'obligations - monde, Europe, pays émergents, US, Asie - affichent des collectes en hausse en 2021.

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Une réglementation de plus en plus exigeante

Cette forte croissance pousse les acteurs financiers à se professionnaliser et à structurer l'offre de produits responsables. Elle encourage aussi les initiatives nationales ou internationales visant à encadrer le marché. La Commission européenne a été à l'initiative du règlement SFDR mais également d'une taxonomie verte (voir encadré), vaste travail de classification qui doit permettre de clarifier la définition d'un placement responsable.

Qu'il s'agisse de la réglementation européenne ou de lois nationales, tous les textes vont dans une même direction : offrir plus de transparence à l'épargnant afin de lui permettre de faire des choix financiers éclairés, au service de la transition écologique. « Le développement de la gestion durable, encouragé par les nouvelles réglementations mises en place récemment, va changer la donne et rendre les fonds ISR de plus en plus populaires », affirme Jean-Paul Raymond.

Un fort besoin de données fiables

Pour répondre aux demandes des épargnants et satisfaire aux exigences réglementaires , les acteurs financiers, et en particulier les sociétés de gestion, vont néanmoins devoir investir afin d'être capables de traiter un nombre de données toujours plus grand. Or, la recherche ESG coûte déjà cher : les frais de gestion sont en moyenne de 1,58 % pour un fonds actions ISR contre 1,28 % pour un fonds actions non ISR, selon l'Observatoire Quantalys.

« La complexité et le manque de standardisation quant à la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ont été identifiés comme un défi majeur par de nombreux [acteurs financiers, NDLR] », constatait BlackRock dans son rapport controversé sur les banques européennes et la finance durable rendu public en août. Le gestionnaire d'actif y fustigeait l'absence de définition claire de l'ESG.

En attendant le consensus sur des méthodologies communes, les acteurs financiers vont devoir s'adapter à un marché de plus en plus encadré. Ceux qui ont pris le virage de l'ISR il y a quelques années déjà auront sans doute un avantage concurrentiel, tandis que les autres devront prendre le pli et se rendre à l'évidence : l'investissement responsable se conjugue au futur.

La taxonomie européenne définit l'économie de demain

La taxonomie est au coeur de la stratégie verte européenne. Elle pose des principes et un cadre d'évaluation pour chaque activité économique afin de déterminer leur durabilité. Pour être considérée comme verte, une activité doit contribuer substantiellement à l'un des six objectifs de l'Union européenne, sans nuire à un autre de ces objectifs.

A ce jour, seuls les deux premiers ont été traités dans le cadre de la taxonomie - l'atténuation du changement climatique et l'adaptation au changement climatique. Les autres objectifs, parmi lesquels la protection de la biodiversité ou la transition vers une économie circulaire, feront l'objet de travaux dans les mois à venir.

La taxonomie fait partie d'un ensemble réglementaire incluant également les règlements SFDR (Sustainable Finance Disclosure) et CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui obligent respectivement les acteurs financiers et les entreprises à plus de transparence quant au caractère durable de leurs investissements et activités. Ce chantier très ambitieux a déjà commencé à faire des émules, au Royaume-Uni ou encore à Singapour, qui ont annoncé leurs propres outils de classification. En Europe, la taxonomie porte une idée forte du projet européen : l'économie de demain ne pourra qu'être durable.