Synthèse de l’enquête de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) relative aux supports d’investissement durables

Synthèse de l’enquête de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) relative aux supports d’investissement durables : un avenir glorieux s’agissant de la prise en considération des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance par les investisseurs dans les contrats d’assurance-vie d’aujourd’hui et de demain

Le monde est en constante évolution et avec lui,  les investisseurs. Les désidératas et considérations de tout un chacun ne sont plus les mêmes aujourd’hui et le secteur de l’assurance-vie doit nécessairement s’adapter aux évolutions. Les changements climatiques et la situation globale nous démontrent qu’il est plus que temps de laisser place à de nouveaux modes d’investissement basés, notamment, sur les supports d’investissement à caractère extra-financiers, dits « durables », prenant en considération des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ci-après les « ESG »). Le législateur européen a pleinement adhéré à cette prise de conscience et, par ses interventions réglementaires[1], en est même devenu l’inspirateur principal. En effet, une harmonisation progressive à l’échelle européenne permettra de démocratiser de nouveaux supports d’investissement qui, jusqu’à présent, étaient strictement encadrés par les législations étatiques. Cette vague de responsabilité à l'égard de notre planète a, dès lors, été caractérisée et affirmée notamment en France, en Belgique et au Luxembourg. C’est par ailleurs à cet égard qu’en France, l’Autorité des Marchés Financiers (ci-après l’« AMF ») avait, à ce titre, d’ores et déjà constaté que ces « nouvelles démarches ont conduit les sociétés de gestion de portefeuille, comme tout producteur de placement financier, à proposer des offres adaptées à ces réflexions (impact financier de critères extra-financiers d’une part, conséquence extra-financières liées aux actifs détenus d’autre part)  (...)»[2].

Le secteur assurantiel n’échappe pas à ce courant et l’ACPR a procédé à une enquête en 2020 et publié  les résultats en juillet 2021[3]. Cette enquête réalisée auprès de quinze assureurs, correspondant à 85% du marché en termes de provisions techniques représentatives d’engagement en unités de compte, avait pour but d’évaluer :

(i)   le niveau de collecte des supports d’investissement durables,

(ii)  les caractéristiques et les modalités de commercialisation de ces produits,

(iii) la nature des communications à l’égard des clients et prospects en matière de durabilité.

 

I.              Le bilan de l’enquête menée par l’ACPR

De prime abord, l’ACPR a pu constater que l’investissement dans les supports précités par les preneurs d’assurance est en hausse constante depuis l’année 2019. En conséquence, des labels ont été conçus pour que les investisseurs puissent être à même de considérer et d’apprécier la qualité et la crédibilité des produits au sein desquels ils investissent et ce, notamment pour leur permettre d’avoir toute confiance dans les supports d’investissement durables proposés. Toutefois, à l’heure actuelle, la majorité des supports ne sont pas labellisés et bien que certains le soient, la plupart relèvent de labels étrangers dont la part la plus importante est consacrée aux labels belges et luxembourgeois. Cependant, afin de se conformer à la loi PACTE[4], les assureurs français ont été contraints et ce, dès janvier 2020, d’inclure dans les contrats d’assurance-vie multi-supports au minimum une unité de compte labellisée. À ce titre, les compagnies françaises ont privilégié le label Investissement Socialement Responsable (ci-après « ISR ») car, il apparaît, a priori, que ce label est plus adapté aux unités de compte contrairement à d’autres labels.

L’enquête a encore fait état d’un point considérablement important  : les professionnels du secteur des assurances ont favorisé l’introduction de nouveaux supports d’investissement dans leurs produits existants et non la conception de nouveaux supports qui répondraient aux caractères ESG. La conversion desdits supports à ce que l’on pourrait définir comme ce critère de « durabilité » s’est donc réalisée au niveau d’options de gestion, via, notamment, l’augmentation uniforme du poids des investissements à caractère durable dans les options de gestion existantes ou via encore la création d’options de gestion spécifiques.

Une grande partie des répondants à l’enquête estime d’ailleurs plus réaliste, sur le plan technique, que cette conversion vers des supports dits « durables » concerne des supports en unités de compte préférablement au développement d’un fonds euros qui poursuivrait un objectif d’investissement durable. Cela s’explique par plusieurs facteurs, parmi lesquels nous pouvons relever, sans que cette liste ne soit exhaustive, la forte diversité des sous-jacents que nécessite ce type de support, l’absence de règles uniformes permettant de certifier le caractère durable des émissions souveraines mais, également, le contexte actuel des taux bas qui empêcherait le développement d'un nouveau fonds en euros et dont les rendements ne pourraient pas concurrencer ceux des fonds plus anciens.

Néanmoins, au regard des déclarations de la plupart des assureurs répondants, il convient encore de préciser que ces derniers ont introduit les facteurs ESG dans leurs politiques d’investissement et, c’est ainsi qu’ils témoignent tout de même de la possibilité technique de mettre en place un fonds euros qui, même s’il est incapable de poursuivre des objectifs d’investissement durable, est au moins en mesure de promouvoir les caractéristiques environnementales et/ou sociales souhaitées. 

Concernant les politiques de commercialisation, l’enquête précise également qu’aucun assureur répondant n’a, pour l’heure, intégré les critères ESG dans ses POG[5] et notamment dans l’identification du marché cible de ses produits d’assurance. Cependant, une telle identification sera, par ailleurs, obligatoire à dater du 2 août 2022, lorsque les modifications apportées par le Règlement de la Commission du 21 avril dernier[6] aux règlements délégués[7] mettant en œuvre la directive IDD[8] seront d’application.

Bien qu'en nette minorité, une petite partie des participants à l’enquête a toutefois adapté les procédures relatives au recueil des informations du client afin d’inclure dans le suitability ou appropriateness assessment les préférences des prospects en matière d’investissements à caractère durable.

Enfin, concernant la communication par les assureurs relative aux supports durables au sein des contrats d’assurance-vie à l’égard des souscripteurs, les assureurs interrogés par l’ACPR ont affirmé que cette communication concernait en priorité les contrats d’assurance-vie de type épargne et était véhiculée via des Newsletters et des plaquettes décrivant le produit ou l’offre de finance durable à la seule destination de clients déjà intéressés par ce type d’investissements.

 

II.             Les prochaines étapes pour les compagnies d’assurance au regard des investissements durables

Il appartiendra aux compagnies d’assurance de se conformer aux exigences de la loi PACTE d’ici le 1er janvier 2022. Aussi, les contrats d’assurance-vie portant sur ce type d’investissement devront comprendre au moins une unité de compte labellisée ISR, une unité de compte labellisée verte ou dite “Greenfin” et enfin, une unité de compte labellisée économie sociale ou solidaire. Le principe étant que chacun des trois supports durables ESG soit représenté au sein d’un contrat d’assurance-vie.

Les assureurs développent actuellement des fonds euros avec une stratégie d’investissement durable, et ce notamment car ils s’imposent des règles de gestion particulièrement exigeantes proches des critères de labellisation du label ISR. Il serait donc finalement possible d’investir durablement dans les fonds euros dès lors que de telles exigences sont respectées.

Les assureurs devront se montrer vigilants dans leur approche publicitaire car l’ACPR, bien qu’elle ait salué les explications relatives aux investissements durables sur des supports sans contraintes de temps et d’espace, qu’elle considère comme un « réel effort de sensibilisation et de pédagogie », met en garde contre le possible « greenwashing » que pourraient subir des encarts publicitaires réduits à un espace limité. En effet, de tels espaces induisent des accroches publicitaires plus vastes et parfois trompeuses pour le preneur d’assurance en tant que consommateur qui doit, en réalité, être parfaitement informé de la composition du produit auquel il est fait référence et du caractère durable ou non de ce dernier. Seule une publicité dite « proportionnée » pourra permettre au souscripteur d’investir en parfaite connaissance de cause.

Les investissements dans des supports durables semblent être promis à un bel avenir au regard du développement dont font preuve les compagnies d’assurance en la matière. Cependant, alors même que l’initiative est plus qu’encourageante et surtout nécessaire pour s’adapter au monde d’aujourd’hui, il conviendra toutefois de rester attentif à toute dérive (Cf. le « greenwashing ») et au strict encadrement de tels investissements, notamment par un droit à l’information toujours plus accru envers les souscripteurs. L’article 29 de la loi dite « Énergie climat »[9] est, à ce propos, une preuve des belles avancées françaises en la matière. Cet article a, en effet, étendu l’application de l’article L.533-22-1 du Code monétaire et financier à certaines entreprises d’assurance[10] en leur demandant notamment:

(i)   D’inclure une information sur les risques associés au changement climatique ainsi que sur les risques liés à la biodiversité dans leur politique relative aux risques en matière de durabilité,

(ii)  De mettre à la disposition de leurs souscripteurs et du public un document retraçant leur politique sur la prise en compte dans leur stratégie d'investissement des critères environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance et des moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique ainsi qu'une stratégie de mise en œuvre de cette politique, y préciser les critères et les méthodologies utilisées ainsi que la façon dont ils sont appliqués et y indiquer comment sont exercés les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix.

Les objectifs français sont ainsi clairement affirmés en ce qu’ils aspirent à une transparence considérable des critères en matière de durabilité et de leur politique choisie à cet égard qui est applicable à de plus en plus d’entités.

 

[1] Le règlement UE 2020/852 dit taxonomie, le règlement UE 2019/2088 du Parlement européen et du conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, dit règlement « SFDR ».

[2] Rapport de décembre 2020 de l’AMF (troisième rapport) « Les approches extra-financières dans la gestion collective. »

[3] Publication de juillet 2021 de la Revue de l’ACPR « Les enseignements de l’enquête ACPR sur les supports d’investissement à caractère extra-financier commercialisés dans les produits d’assurance. »

[4] Loi française du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

[5] Product of governance.

[6] Règlement délégué (UE) 2021/1257 de la Commission du 21 avril 2021 modifiant les règlements délégués (UE) 2017/2358 et (UE) 2017/2359 en ce qui concerne l’intégration des facteurs de durabilité, des risques en matière de durabilité et des préférences en matière de durabilité dans les exigences de surveillance et de gouvernance des produits applicables aux entreprises d’assurance et aux distributeurs de produits d’assurance, et dans les règles de conduite et les règles régissant le conseil en investissement applicables aux produits d’investissement fondés sur l’assurance.

[7] Règlement délégué de la Commission du 21 septembre 2017, (UE) 2017/2358, complétant la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences de surveillance et de gouvernance des produits applicables aux entreprises d'assurance et aux distributeurs de produits d'assurance, et (UE) 2017/2359, complétant la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'information et les règles de conduite applicables à la distribution de produits d'investissement fondés sur l'assurance.

[8] Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances.

[9] LOI n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (1) : l’article 29 a, entre autres, en matières d’assurance, créé l’article L385-7-2 du Code des assurances qui dispose que : « L'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier est applicable aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire. » ainsi que l’article L310-1-1-3 du Code des assurances qui dispose que : « Les entreprises mentionnées au 1° de l'article L. 310-1 et au 1° du III de l'article L. 310-1-1 qui réassurent des engagements mentionnés au 1° de l'article L. 310-1 sont soumises aux dispositions de l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. ».

[10] Il est fait référence « aux entreprises qui sous forme d'assurance directe contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, s'engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, ou font appel à l'épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés » ainsi qu’aux « entreprises de réassurance ayant leur siège social en France et agréées dans les conditions définies à l'article L. 321-1-1 » « qui réassurent des engagements mentionnés au 1° de l'article L. 310-1 ».

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Par Silvia BRACALONI et Jeanne BOUR, sous la direction juridique de Karine VILRET