Par Laurence Delain, LES ECHOS - Publié le 25 janv. 2022 à 12:00Mis à jour le 25 janv. 2022 à 12:07
Repartie de plus belle après le trou d'air de 2020, l'assurance-vie tient toujours la corde parmi les placements préférés des Français avec plus de 1.860 milliards d'euros d'encours sous gestion. En outre, sa structure diversifiée - les supports en unités de compte (UC) captant 38 % de la collecte - témoigne d'une prise de risque plus grande des assurés. Car contrairement aux fonds en euros, le capital des UC n'est garanti.
Ce mouvement est largement dû à la politique commerciale des réseaux financiers qui incitent, voire contraignent leurs clients à réduire la voilure sur des fonds en euros dont la rémunération moyenne, tombée aux alentours de 1 %, ne fait plus le poids face à l'inflation (2,8 % l'an passé). Mais il confirme également l 'efficacité patrimoniale de l'assurance-vie multisupport, ouverte sur toutes les classes d'actifs, pour jouer la carte de la diversification financière dans une enveloppe doublement allégée sur le plan fiscal (plus-values capitalisées en franchise d'impôt au sein du contrat et abattement appréciable au bout de huit ans) et successoral (contrat transmissible à la personne de son choix en franchise de droits jusqu'à 152.500 €).
Miser sur une combinaison de supports susceptibles de résister à la volatilité ambiante n'est toutefois pas chose aisée et en ce début d'année, au moins cinq voies alternatives appellent l'attention.
1. Les néo-fonds euros
Cela fait un moment déjà que les assureurs proposent des offres de fonds en euros plus rémunératrices qui, tout en garantissant le capital en permanence, actionnent d'autres leviers que l'obligataire classique pour doper la performance (immobilier locatif tertiaire, actions, thématiques ciblées comme les infrastructures, etc.).
Certaines formules, telles les « europierre » exposées en immobilier, montrent leurs limites. Mais d'autres ont le vent en poupe. C'est le cas notamment des fonds assortis d'une garantie en capital réduite (à 98 % par exemple), ce qui permet à l'assureur de gérer plus activement ses actifs sans déroger aux normes européennes de solvabilité. « C'est le meilleur moyen de préserver le fonds en euros », observe Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site indépendant Good Value for Money (GVfM).
D'autres offres hybrides associant un fonds en euros à des UC dynamiques dans un package « tout en un » (Allianz Vie Fidélité, Euro Private Stratégies de BNP Paribas Cardif) visent également un surplus de performance, mais on ne peut plus vraiment parler dans ce cas de fonds en euros.
2. La gestion structurée
Les UC investies dans des supports structurés ont pour objectif de restituer, à une échéance préfixée, la mise de départ majorée d'une performance conditionnée par l'évolution d'un indice boursier. « Dans une configuration de marchés hauts, elles permettent de se prémunir d'une baisse tout en bénéficiant d'un rendement en ligne avec le risque accepté », résume Guillaume Dumans, cofondateur de la plateforme Feefty, spécialiste de ces produits. Les offres les plus répandues sont celles dites « autocall » qui s'engagent à protéger, à terme, le capital jusqu'à un certain seuil de baisse de l'indice de référence du fonds (-50 % parfois) tout en ménageant des fenêtres de sortie anticipée : si les marchés sont bien orientés, le souscripteur récupère son capital (moins les frais) majoré d'un coupon.
Favorisées par la volatilité boursière, les promesses de gain actuelles sont de l'ordre de 5 % par an, voire plus. « Depuis la création des gammes H en 2009, 83 supports sur 103 étaient remboursés au 2 décembre 2021 avec en moyenne une durée de deux ans et une rémunération nette de frais de 9,2 % par an », indique Julien Vautel, président d'Hedios.
Ces fonds appellent néanmoins la vigilance : ils reposent sur des modes de gestion complexes (combinaison d'instruments de taux et produits dérivés), risqués, coûteux en frais de gestion (peu lisibles) et toute sortie avant terme peut se solder par une perte. Il convient donc de bien lire leur notice d'informations afin d'identifier le mécanisme de la formule promue et son rendement moyen annualisé réel.
3. Les fonds de dettes privées
Connu pour sa complexité, le marché obligataire s'avère plus délicat que jamais (volumes historiques d'endettement, retour de l'inflation, tension sur la courbe des taux), mais certaines dettes d'entreprises en phase de croissance, peu sensibles à la variation des taux souverains, sont porteuses de belles rentabilités. « C'est la première marche dans le monde du capital-investissement pour des clients patrimoniaux en quête d'un couple rendement-risque équilibré », relève Patrick Ganansia. Pour le président-fondateur d'Herez « ce marché profond et technique » nécessite toutefois « de passer par des gérants spécialisés et son taux de pénétration dans l'offre d'UC demeure limité du fait notamment de fortes contraintes de référencement ».
Certains acteurs (Corum Butler notamment) font pourtant résolument le choix de démocratiser ce segment d'investissement via l'assurance-vie et ils rencontrent leur public.
« Notre support Tikehau Financement Entreprises, disponible et liquide à tout moment dans le cadre de nos contrats, remporte un grand succès auprès des sociétaires qui souhaitent soutenir le développement d'entreprises de taille intermédiaire au plan d'affaires robustes », confirme pour sa part Stéphane Dessirier, directeur général du groupe MACSF.
4. L'immobilier sociétal
Jouer la carte de l'immobilier via l'achat de parts de SCPI dans le cadre de l'assurance-vie n'est pas nouveau. Ce qui l'est davantage c'est d'explorer de nouvelles sources de rentabilité « durable » (revitalisation de centres urbains, transformation d'anciens sites en pôles d'attractivité, etc.) en souscrivant par exemple une UC socialement responsable et solidaire comme Novaxia R (référencée par AG2R La Mondiale, Apicil, Generali, Spirica ou encore Suravenir), qui répond à la pénurie de logement en recyclant de l'immobilier tertiaire (+5,08 % de performance annualisée nette de frais en 2021).
« Ce type de fonds permet d'accéder à des actifs jusqu'alors réservés aux institutionnels moyennant une prise de risque non négligeable », remarque Patrick Ganansia. L'immobilier « value added » devrait notamment profiter de l'éligibilité des FPCI (fonds professionnels de capital-investissement) à l'assurance-vie pour prospérer dans le cadre de contrats haut de gamme.
5. L'économie réelle
Encouragé par la loi Pacte, le private equity, constitue selon Patrick Ganansia « la meilleure classe d'actifs en termes d'investissement long terme ». Transitant pour l'essentiel par des UC placées en parts de FCPR (fonds communs de placement à risque), désormais souvent labellisés « Relance », le non-coté a, moyennant une importante prise de risque, l'avantage d'être décorrélé des soubresauts des marchés financiers, tout en réservant un beau potentiel de performance à terme (+10,1 % nets par an sur 10 ans et + 11,7 % sur 15 ans à fin 2020 pour le capital-investissement français, selon France Invest).
« La loi Pacte a élargi les possibilités d'accès en permettant aux particuliers d'investir jusqu'à 50 % de leur contrat en private equity dès lors que leur capital atteint un minimum de 100.000 € », précise Olivier Grenon-Andrieu, président d'Equance. S'adressant en priorité à des épargnants avertis déjà dotés d'un patrimoine solide et bien diversifié (le non-coté ne doit pas représenter en règle générale plus de 5 % à 10 % d'un portefeuille), le capital-investissement tend par ailleurs à se démocratiser en passant par des supports mixtes comme le FCPR AXA Avenir Entrepreneurs (30 % investis en petites et moyennes capitalisation cotées), commercialisé par période, sans minimum de versement, dans la plupart des contrats standards et patrimoniaux de l'assureur.
Le poids des frais
Pointée du doigt en décembre dernier par le superviseur de la banque et de l'assurance qui a annoncé un resserrement des contrôles sur ce front, la question des frais prélevés en assurance-vie est essentielle car elle joue directement sur la performance des contrats. Il convient à cet égard de bien distinguer les coûts contractuels (frais sur prime, frais de gestion annuels sur encours de l'ordre de 0,6 % pour le fonds en euros et de 0,9 % pour les UC, frais de gestion déléguée, frais d'arbitrage) de ceux propres aux fonds dans lesquels sont investies les UC.
Fort variables (de 0,20 % et 3,50 % en moyenne selon la nature du sous-jacent), ces frais courants, qui rémunèrent pour partie la chaîne de distribution sous forme de rétrocommissions, figurent dans un DICI (document d'information clé pour l'investisseur) à systématiquement consulter avant souscription.