Placements : comment accéder aux hauts rendements du non-coté

Emmanuel Schafroth, Les Echos - Publié le 9 avr. 2021 à 07:15Mis à jour le 9 avr. 2021 à 07:21

Le moteur de performance des actions, sans subir la volatilité de la Bourse, c'est ce que le capital-investissement (investissement au capital de sociétés non cotées) offre aux épargnants. Le revers de la médaille : leur argent peut rester immobilisé jusqu'à 8 ou 10 ans, loin de la liquidité quotidienne offerte par la Bourse.

L'attrait pour le capital-investissement est aussi porté par des tendances structurelles. « Aux USA, le nombre de sociétés cotées a diminué de 40 % entre 1996 et 2019, tandis que le nombre de sociétés adossées à des fonds de private equity a plus que doublé », rappelle Agathe Laurent, responsable de l'offre private equity de Natixis WM. Autrement dit, une part de plus en plus forte de la création de valeur des entreprises a lieu hors de la Bourse.

Après la curieuse année 2020, une question se pose : la classe d'actifs est-elle trop chère ? Selon l'indice Argos, calculé depuis 2004 en fonction des transactions sur les entreprises non cotées de taille moyenne en Europe, les valorisations ont touché des records au quatrième trimestre 2020, franchissant la barre des 11 fois l'Ebitda en moyenne.

« Cela témoigne surtout de circonstances de marché spécifiques, plaide Sophie Chateau, associée en charge des relations investisseurs chez LBO France. En 2020, le nombre d'opérations a reculé dans les secteurs affectés par la crise du Covid-19, les deals se concentrant sur les actifs qui ont résisté, voire bénéficié du contexte, comme la santé ou la technologie. » Sur ces segments, les prix ont été particulièrement élevés.

Vigilance sur les valorisations

Cependant, les gérants de private equity doivent être vigilants. « Nous ne sommes pas dans une bulle, mais nous surveillons de près les valorisations, indique Luc Maruenda, responsable des produits de gestion privée d'Idinvest. Les montages financiers raisonnables restent possibles et on voit une vraie accélération de secteurs comme le numérique. Nous restons confiants sur les deux prochains millésimes. »

Les gérants de private equity capables d'être sélectifs sont souvent adossés à des sociétés de gestion institutionnelles (Idinvest par exemple est affilié à Eurazeo), d'où un flux d'affaires de qualité. Les investisseurs doivent aussi se diversifier. « Nous conseillons à nos clients de combiner différentes stratégies d'investissement dans les actifs privés, explique Agathe Laurent : capital-investissement, dette privée, infrastructures. Notons que le marché du small/mid cap, spécialité de notre partenaire Flexstone Partners, reste raisonnablement valorisé. »

Comment investir

Pour un investisseur privé, différentes possibilités d'investir en private equity existent. Le « canal historique », celui des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et des fonds d'investissement de proximité (FIP), s'est en grande partie tari ces dernières années, notamment avec la disparition de l'ISF. NextStage, qui a levé 35 millions d'euros en 2020 au travers de ses FCPI, est un des rares acteurs à rester significatif dans ce secteur.

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Mais les offres de « pur private equity », sans les contraintes de gestion spécifiques des FIP/FCPI telles que les investisseurs institutionnels les connaissent depuis longtemps, sont désormais plus facilement accessibles aux particuliers. Ainsi, le fonds White Caps Sélection 2 de LBO France est-il accessible dès 25.000 euros d'investissement. Sachant que la durée d'immobilisation des fonds sera de 8 à 10 ans, ce n'est pas encore exactement le placement de « monsieur Tout-le-Monde » mais on est loin des véhicules institutionnels où le ticket minimal est de plusieurs millions.

 

Le fonds ne restera sans doute pas commercialisé très longtemps : il vise 30 millions d'euros de souscription. Sa particularité est de privilégier les entreprises petites à moyennes et de réserver une poche pouvant aller jusqu'à 25 % à des opérations de transformation immobilière pour assurer une certaine diversification.

Le canal assurance-vie

Un autre canal de distribution du capital-investissement s'est développé ces dernières années : l'assurance vie. Ici, on rencontre souvent des offres mixtes, comme celle des fonds Idinvest Private Value Europe 3 ou Isatis Capital Vie & Retraite, qui mélangent private equity, dette non cotée, voire actifs cotés, pour assurer une certaine liquidité au produit. De quoi offrir une diversification intéressante au sein de l'enveloppe d'investissement préférée des Français, mais pas forcément les rentabilités supérieures à 10 % par an que visent les pures offres de capital-investissement. L'avantage est l'accessibilité au plus grand nombre.

L'alternative SPAC

Si le private equity s'ouvre désormais largement à l'investisseur particulier, on peut se demander s'il n'est pas à la veille d'une autre révolution avec le fol engouement enregistré aux Etats-Unis pour les SPAC (« special purpose acquisition companies »). Il s'agit de sociétés qui lèvent des fonds en Bourse sans avoir d'activité propre, en indiquant simplement au marché leur intention d'acquérir des entreprises non cotées. De telles sociétés pourraient donc être perçues comme une alternative aux fonds de capital-investissement.

« Pour le moment, nous ne voyons pas les SPAC comme des concurrents, indique Sophie Chateau. Ils sont plutôt réservés à des entreprises de croissance dans un contexte où la Bourse ne joue pas toujours son rôle, étant trop difficile d'accès pour de nombreuses entreprises. » Aux Etats-Unis, l'ampleur du phénomène est tout de même impressionnante. En 2020, les levées de fonds des SPAC ont été multipliées par six, à 83 milliards de dollars. Et les montants depuis début 2021 dépassent déjà ce montant.

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L'Europe commence à être gagnée par cette vague. « Nos clients s'intéressent aux SPAC, remarque Erwan Grumellon, directeur juridique et des expertises patrimoniales de Swiss Life Banque Privée. On a vu notamment un véhicule lancé par trois entrepreneurs français bien connus lever 300 millions d'euros, ce qui est conséquent sachant qu'on fait littéralement un chèque en blanc à l'entreprise. C'est certainement la solution hybride entre introduction en Bourse et private equity de demain. »

Avec sans doute son potentiel de déceptions aussi. Comme les holdings, ce genre de véhicules pourraient voir leur valeur boursière structurellement décotée par rapport à la valeur de leurs actifs.

 

Les avantages fiscaux liés au private equity

 

Les fonds de type FIP et FCPI sont les plus avantagés fiscalement, car ils permettent aux particuliers une réduction d'impôt sur le revenu à l'entrée, à hauteur de 25 %. Attention : cette réduction ne se calcule plus comme auparavant sur le montant versé par l'épargnant mais sur les sommes qui vont être effectivement investies dans des actifs éligibles.

« Les offres de private equity éligibles à l'assurance-vie sous format d'unités de compte vont bénéficier du cadre fiscal de l'enveloppe, explique Marion Capèle, directrice du pôle solutions patrimoniales de Natixis WM. C'est vrai pour l'assurance-vie française mais aussi pour les contrats luxembourgeois, qui intègrent plus de fonds et depuis plus longtemps. »

Pour les personnes physiques qui détiennent en direct des fonds de private equity, il faut opérer une distinction entre les fonds au seul sens juridique du terme et ceux reconnus comme « fonds fiscaux », du fait qu'ils respectent certains critères, notamment le fait d'être investis majoritairement dans des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et ayant leur siège social dans l'Union européenne. « C'est seulement dans le cas des fonds fiscaux que les plus-values seront exonérées d'impôt sur le revenu, à condition, notamment, que les parts des fonds aient été détenues pendant au moins 5 ans : seuls les prélèvements sociaux sont alors prélevés », poursuit Marion Capèle. Les FCPR grand public disponibles sur le marché sont le plus souvent des fonds fiscaux. Mais seuls les FIP et FCPI cumulent cet avantage fiscal « à la sortie » avec la réduction d'impôt à l'entrée.