Révolution verte en vue dans la vente des fonds de placement

Par Amélie Laurin, Les Echos - Publié le 14 déc. 2021 à 10:00. Mis à jour le 14 déc. 2021 à 11:07

Souvent décriée par le monde de la finance, la réglementation européenne crée parfois des appels d'air. En 2021, les sociétés de gestion d'actifs n'ont eu qu'un mot à la bouche : SFDR. Ce règlement européen encadre le reporting durable des fonds, obligatoire depuis mars dernier. La profession a profité de cette mesure pour ranger une large part de ses produits dans les catégories les plus vertueuses (articles 8 et 9), sans véritable contrôle pour le moment.

En 2022, c'est l'acronyme MiFID II qui reviendra sur le devant de la scène. En août prochain, entreront en vigueur des modifications importantes de cette directive qui régit la vente de produits d'épargne en Europe : les vendeurs de solutions d'épargne devront désormais évaluer les préférences des investisseurs particuliers en matière de « durabilité ».

« Le client va parler avec ses tripes »

Alors que les clients institutionnels et les particuliers fortunés sont déjà friands ou bien servis en matière de fonds durables, « il y aura un grand mouvement du côté de nos clients distributeurs », a prédit Valérie Baudson, la directrice générale d'Amundi, lors de la présentation de sa nouvelle feuille de route durable .

« La révision de la réglementation MiFID II est un énorme accélérateur car les distributeurs devront poser aux clients des questions sur les sujets qui leur parlent, les touchent, explique Pierre Moulin, membre du comité exécutif de BNP Paribas Asset Management. Par exemple, pour savoir s'ils sont sensibles ou pas à l'ESG [critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR]. » A défaut d'être un expert de la finance durable, « le client va parler avec ses tripes », s'enthousiasme un autre dirigeant de société de gestion.

Si les conseillers bancaires ou indépendants ne sont pas censés orienter les choix des épargnants en faveur de telle ou telle stratégie (climat, emploi, biodiversité…), le fait d'ouvrir la discussion va donner davantage de visibilité aux produits dits durables. « Dans le futur, on peut imaginer que le portefeuille des investisseurs soit composé de gestion ESG complétée par des thématiques », anticipe Pierre Moulin.

D'autant que les « questionnaires Mifid » ne sont pas écrits par le régulateur, mais laissés à la main des commercialisateurs. Certains travaillent main dans la main avec leurs principaux fournisseurs, les sociétés de gestion. Par exemple, pour savoir si tel produit sera éligible ou non à la réponse du client. « Tout le monde essaie d'être prêt pour août prochain. Mais il y a beaucoup de discussions entre acteurs car les textes ne sont pas toujours clairs », pointe Pauline Becquey, directrice générale de Finance for Tomorrow, la branche de finance durable du lobby Paris Europlace.

2 % de fonds éligibles ?

« Il y a un problème de chronologie car l'encre n'est pas sèche sur la transparence des fonds durables (SFDR), les données ESG des entreprises ( CSRD ) et la liste des activités vertes ( taxonomie ) », rappelle Jean-Baptiste Morel, responsable de la recherche ESG chez Arkéa Investment Services. En attendant, on fait ce que l'on peut avec nos données internes et celles de notre fournisseur de données ESG pour mesurer la durabilité de nos produits. »

Certains gérants envisagent de publier des fourchettes de parts vertes dans la documentation de leur fonds. Voire de déclarer forfait. « Nous militons, comme d'autres sociétés de gestion, pour la publication d'un disclaimer [avertissement, NDLR] stipulant que les données nécessaires au calcul du pourcentage d'alignement des fonds avec la taxonomie ne sont à ce jour pas disponibles », déclare Nathaële Rebondy , responsable Europe de la durabilité chez Schroders.

Si les acteurs optent pour des critères de durabilité stricts, l'offre pourrait être insuffisante. Seuls 2,8 % des fonds européens ont un objectif durable clair au sens de l'« article 9 » (catégorie la plus élevée de SFDR), 2,5 % ont un label d'investissement responsable et environ 2 % du chiffre d'affaires de l'Euro STOXX 50 est aligné sur la taxonomie, selon le cabinet Indefi.